La pluie battait son plein et le vent agitait avec force les dragons de bois qui ornaient les murailles du palais. Au plus haut de sa demeure, le gouverneur Feng allumait les quelques bougies de sa chambre, afin d’y tenir ses précieux comptes, ah qu’il aimait ce livre de bord.
Feng était un gouverneur puissant, devenu riche par la force et par le sang, il était craint et respecté, pour ses semblables il était l’honorable Feng, pour les enfants des quartiers pauvres il était celui dont les parents faisaient mention lorsqu’ils refusaient d’aller raisonnablement se coucher, Feng le croque mitaine ! Feng le monstre va venir nous chercher si nous ne sommes pas sages ! Finalement la réalité n’était pas si loin de ces légendes.
Feng était fier et arrogant, il se félicitait d’avoir le plus grand et le plus imprenable des châteaux de la province, 5 étages et 1000 gardes, une forteresse sombre et oppressante, à l’image de son propriétaire. Cette idée le faisait sourire, il ferma son livre de compte et se leva pour le replacer soigneusement à l’emplacement qui lui était réservé sur une étagère de la bibliothèque.
Un liquide chaud et épais emplissait sa gorge, ses tempes battaient au rythme endiablé du vent sur les remparts du château, il n’avait même pas encore remarqué la dague qui lui transperçait le cœur, la douleur le tétanisait littéralement. Feng vouait réprimer un cri, avertir les gardes mais une autre dague traversant sa gorge lui avait sectionné les cordes vocales.
Son meurtrier était devant lui, une ombre imperceptible qui ne faisait que très peu contraste avec les ténèbres de la pièce, Feng aurait aimé connaître le visage de cet être silencieux et doté d’une précision surhumaine, il éprouvait presque de l’admiration pour son assassin…
Rapide et précis comme l’éclair, l’ombre avait déjoué la surveillance de la garde et s’était rendu sans aucun mal au dernier étage du château. Feng savait que ce jour finirait bien par arriver, voilà ce qui arrive lorsqu’on est trop puissant ! S’il avait pu sourire cette fois ci il l’aurait surement fait, mais son corps ne lui répondait plus depuis quelques secondes. Alors qu’il s’éloignait une fois pour toute du monde des vivants, ses dernières pensées furent pour sa compagne et son fils, son fils qui allait sans aucun doute suivre la lignée glorieuse tracée par son père. Ce que Feng ignorait, c’est qu’il venait justement par cette dague, rejoindre sa femme et son fils.
Le poison qui avait servi à les tuer était sans douleur et sans saveur, après tout eux n’y étaient pour rien. Mais il fallait réduire à néant ce monstre et sa descendance.
Les ombres dansaient dans les couloirs du château, en cette nuit calme et dépourvue d’animation, comme toutes les nuits, les gardes s’ennuyaient à surveiller ces corridors où il ne se passait jamais rien, mais cette nuit là il y avait une ombre de plus qui se fondait dans l’obscurité, impalpable et silencieuse, elle se dirigeait vers la sortie du château.
Quelques instants plus tard, non loin de la demeure de ce sombre massacre, Le ninja, car c’est ainsi qu’on le nommait ôtait son masque et nettoyait ses lames. Son visage doux et avenant contrastait de toute évidence avec son caractère implacable et sans pitié. Rey rangeait soigneusement ses outils et sa tenue dans son sac, il devait se hâter, Mae l’attendait à la maison, ce soir elle lui avait fait son plat favori, et il avait promis de rentrer tôt. Il barra le nom de Feng sur sa liste et observa un instant celui qui était inscrit juste en dessous.
Mais pour l’heure, il ne fallait pas faire attendre les dames, elles savent se montrer implacables dans ces moments là…