[Background] Mae Xilo.

Dans l'une des huttes de la petite cité, des pleurs retentirent. Ceux d'un nouveau-né. On entendait juste ces pleurs, aucune acclamation de joie des parents, ni de félicitations des amis, juste des pleurs... Amplifié par le silence qui l'entoure, ce pleur ne cesse pas...
Ce jour là, Mae est née.
Tout le monde avait honte d'elle.
Sa famille se montrait encore plus cruelle à son égard que le reste de la communauté. Lapidation, humiliation, insultes... la lot quotidien de cette petite fillette qui ne comprenait pas pourquoi on lui infligeait cela...
Son plus grand frère, Elvewar, lui témoignait toutefois quelques signes d'affection. La chose la plus banale à nos yeux, comme un sourire par exemple, permettait à Mae de survivre. Des sourires, elle n'en recevait que de lui. Et encore, des sourires de bien courte durée, car si quelqu'un le surprenait en train de sourire à "la chose" il aurait eu des ennuis. Mais, malgré le danger que ça pouvait lui faire endurer, il decida de prendre Mae en charge, de lui apprendre le necessaire pour survivre... car il savait. Il savait ce qu'il aurait à faire dans peu de temps... Toutes les nuits, donc, il allait retrouver Mae. Il lui révéla aussi pourquoi elle était tant haie ici... Mae est née avec les cheveux bleus. Les habitants de cette cité, particulièrement supersticieux, considèrent cela comme signe de malheur. Mae ne comprenait pas, elle ne comprendra d'ailleurs jamais, d'où le fait qu'elle ne juge jamais quelqu'un sur son apparence...

Un jour, Elvewar lui proposa d'aller se promener. Mae fut doublement surprise. Premièrement, il lui parla en plein jour, à la vue de tous les passants, et deuxièmement, car elle n'était jamais sortie de la cité. Elle était enthousiaste à cette idée. Ils marchèrent, longtemps. Jusqu’à cette énorme forêt de pierre dont elle avait entendu parler. Mae, curieuse petite enfant, s'émerveillait de tout et de rien. Elvewar, quant à lui, restait très silencieux. Mae s'approcha d'un tronc d'arbre pour aller observer un champignon d'une couleur vive. Elle se retourna pour demander à son frère de lui en dire plus sur cet étrange champignon mais... Il n'y avait plus personne. Figée, Mae regarda tout autour d'elle, ne bougeant que la tête. Seule, elle était seule... Lui aussi l'avait trahie... Elle se laissa tomber, se recroquevilla sur elle même et pleura... Elle pleurait... bruyamment, comme pour évacuer toute cette frustration qu'elle gardait au fond d'elle. Elle n'avait pas le droit de pleurer à la cité, sous peine de punition. Même si chaque minute passée là bas était déjà une punition, pour elle. Cette petite chose désemparée, pleura des heures, et finit par s'endormir de fatigue. Ce qu'elle ignore, c'est que Elvewar avait reçu l'ordre de la tuer, et non de juste l'abandonner.
A son réveil, Mae était plus calme. Elle se dit que ce n'est pas une si mauvaise chose que de ne plus vivre cet enfer. Elle regarda autour d'elle, personne pour lui jeter des pierres, personne pour lui cracher au visage... Non, là, dans cette forêt, elle se sentait sereine. Sa curiosité l'emportant sur sa peur, elle se releva doucement et décida d'explorer cette vaste étendue grise, parsemée de vert. Elle se nourrissait de baies. Mais elle savait qu'il lui fallait de la viande. Mais il faudrait attendre. Même si elle était très jeune encore, Mae savait qu'aller provoquer un animal sauvage signerait son arrêt de mort. Quelque temps passèrent ainsi...
Lorsqu'un jour, en se réveillant, elle vit une femme assise à coté d'elle. Une femme au physique particulier... Elle avait le visage tellement pâle, les cheveux tellement noirs... Elle était belle, fascinante...
Prise de panique, n'aillant pas oublié le traitement que les êtres de son espèce lui faisaient subir, elle se releva précipitamment et se couvrit le visage comme pour se défendre, marchant à reculon. De sorte qu'elle trébucha sur quelque chose. Un bébé tigre. La femme rit, alors que Mae, quelque peu ébetée, couchée sur le dos en s'appuyant sur ses coudes, la regardait avec des grands yeux.

- N'aie pas peur, lui dit la belle femme. On m'a rapporté ta présence ici... Je suis venue voir, et je pense que je vais t'aider. Comment t'appelles-tu ?

- Ma.. elle sursauta, comme effrayée par sa propre voix. Mae.

Mae était perdue... la seule personne qui lui avait témoigné de la gentillesse auparavant l'avait trahie. Mais elle décida de rester avec cette femme, car encore une fois... sa curiosité prenait le dessus. Apres avoir repris ses esprits, Mae baissa lentement le regard pour regarder le tigre sur lequel elle avait trébuché. Il la regardait également avec ses grands yeux noirs. Instinctivement, Mae lui sourit.

- Tu as compris que tu n'as rien à craindre de lui, dit la femme en souriant. Bon, et bien maintenant, au travail !
Ainsi donc, pour la première fois depuis longtemps, Mae n'était plus seule, et pour la première fois de sa vie, Mae éprouvait un semblant de bonheur constant. Mae jouait souvent avec le tigre; Un jour, alors que la femme était absente, Mae décida de traquer une bête. Pour avoir de la viande seule. Le tigre l'avait suivit. Se fut bref. Assise sur la dépouille du pauvre blaireau, Mae, couverte de sang, regarda le tigre, et lui dit : "Un jour j'y arriverai toute seule !" Puis elle pencha la tête. Il lui avait semblé un instant, qu'il comprenait. Elle s'approcha de lui à quatre pattes, et le regarda intensément dans les yeux. Le tigre en fit autant.

-Urium ? dit Mae en se reculant. Je comprends ce que tu dis ? Elle éclata de
rire, nerveusement, ne comprenant pas ce qui venait de se passer.
Lorsqu'elle en parla à la femme, cette dernière eut un sourire satisfait
- Ma petite Mae, tu n'as plus besoin de moi... La nature a encore bien des secrets pour toi, mais tu les découvriras par toi même.
Mae la fixa bêtement, ne comprenant pas trop. Puis la femme se leva, et commença à partir.

- Je pars pour de bon, Mae, je ne reviendrai pas. Jamais.

A cette précision, Mae sentit sa gorge se nouer, et ses yeux la piquer. Non, elle ne voulait pas qu'elle parte !! Mais déjà, la femme s'éloignait. Elle s'arrêta, et se retourna, regardant Urium qui donnait des coups de têtes à Mae pour la consoler. Il arrêta un moment, et regarda la femme. Il lui fit comprendre que non, il ne la suivrait pas. Elle sourit une dernière fois, et disparu dans l'obscurité de la forêt. Mae ne revit jamais cette femme... par contre Urium est resté avec elle. Urium, durant toutes ces années, fut son ami, son compagnon d'arme, son oreiller. Ces deux là tissèrent un lien qui jamais ne se brisera.
Les années passèrent. Un jour, Mae et Urium découvrirent un lot de cadavres, à moitié dévorés. L'un d'eux portait un arc. Mae fut charmée par cette belle arme, et l'emporta avec elle, ainsi que le carquois dans lequel restait quelques flèches, qu’elle apprendra bien vite à fabriquer elle-même. Au fil du temps, elle fini par manier cette arme aussi bien que le plus aguerri des archers.
Les années se ressemblaient, Mae et Urium grandissaient dans la forêt, se forgeant un caractère quelque peu sauvage...

Un jour, ils passèrent près d'un village appartenant au domaine Aurae. Sans trop savoir pourquoi, Mae décida de l’approcher.

Camouflée, laissant traîner une oreille ici et là, Mae apprit qu’une bête terrible avait dévorée quelques villageois. Une bête qualifiée de terrible, d’ignoble, de dégoûtante… Qu’est ce que cela pouvait-il bien être ? Et Mae qui vivait dans les bois où cette créature avait élue domicile n’avait jamais rien vu de tel… Et pourtant, elle en avait vu des vertes et des pas mûres, déjà. Plaquée contre un mur, dissimulée, elle réfléchissait à tout ceci, écoutant deux femmes parler de cette bête au cri strident, lorsqu’elle sursauta lorsque l’on tira sur sa cape, faite de guenilles prises sur un cadavre, comme la plupart de ses affaires, d’ailleurs.

- T’es qui, m’dame ? Lui demanda un gosse, le doigt fourré dans son nez, habillé comme un paysan.
- Je… Mae n’avait pas parlé depuis longtemps, bien qu’il lui arrivait de parler à Urium de vive voix. Je ne fais que passer ici…
Le gamin observa cette jeune fille pas tellement plus vieille que lui, et ses yeux se posèrent sur son arc.
- T’es une chasseuse de monstres hein ! demanda-t-il enjoué
- Euh.. Je… euh…
- Une chasseuse de monstre ? Pour vrai ?
Mae se retourna, et vit qu’à présent pas mal de villageois s’étaient approchés. Mal à l’aise, n’aillant plus l’habitude d’être autant entourée d’humain, elle commença à trembler, préparant sa réponse, lorsqu’un homme approcha, écartant la foule.

- Une chasseuse de monstre ? Hahaha mais regardez là ! Ce n’est qu’une enfant ! Certes cette bête est féroce mais n’aller pas pour autant voir un sauveur en n’importe qui ! Allez dispersez vous !
- Moi j’suis sûr qu’c’est une chasseuse… Dis le gamin avant de s’éloigner, comme tous les autres.

Une enfant ? Elle n’est qu’une enfant ? Elle allait lui faire voir à ce gros bonhomme, si elle n’était qu’une enfant !! Redoublant de discrétion, elle se mit à récolter des informations sur la bête…

Elle pu ainsi récolter les divers endroits où la bête avait frappé. Elle écoutait furtivement quelques rescapés, il s’agissait d’après eux, d’un grand oiseau noir.

Un oiseau ? Ils ont peur d’un oiseau ? Tsss…. Suis-je vraiment de la même espèce que ces créatures peureuses ?
C’est ce genre de pensées qui traversaient l’esprit de Mae, alors qu’elle se rendait au dernier endroit où la bête avait été vue, Urium la suivant de près. Elle ne fit pas attention à ses grognements, trop prise dans ses pensées, maudissant encore cet homme qui l’avait humiliée en public, la traitant de gamine.
C’est un cri strident qui la fit sortir de ses pensées. « Le » cri décrit par les villageois. Un cri ressemblant à un rire… Un sale rire démoniaque… Mae passa lentement sa main sur son lobe. Du sang… Cette sale bête lui avait percé un tympan. Sale bête ? Et pourquoi donc ? Mae est sur son territoire, elle lui en veut, ça se comprend. Lentement, trèèès lentement, elle se retourna. Se trouvant face à cet « oiseau géant » un moa noir. Un carnassier de la bouche duquel pendant encore quelques chairs de ses victimes.
Respirant à peine, Mae tenta de rentrer en contact avec la bête, comme elle le fit inconsciemment, des années avant, avec Urium.
Mais ça ne marchait pas, le Moa lui donna un coup de bec, qu’elle pu facilement esquiver. Cela la conforta dans l’idée que ce Moa ne lui voulait pas réellement de mal. La douleur de son oreille était insupportable, ça bourdonnait, elle avait envie de vomir… En proie à sa douleur, Mae ne répondit pas à l’attente du moa, qui, suite à son premier avertissement, lui redonna un coup de bec qu’elle ne pu esquiver cette fois-ci. Elle posa un genou à terre, la main plaquée contre son oreille. Elle fit signe à Urium de ne pas attaquer son assaillant. Il resta donc immobile, grognant de rage de ne pouvoir aider son amie.
Elle se releva péniblement, et s’en alla, tout simplement, décidant qu’il valait mieux obéir au Moa, et qu’elle reviendrait plus tard, mieux préparée, pour tenter… Tenter de quoi ? Le tuer ? Sûrement pas, pourquoi le tuer ? Parce que ces crétins d’humains en ont peur ? Non, elle voulait faire mieux que ça. Elle allait l’apprivoiser.

[suite bientôt^^]